Russes et Biélorusses refusent de disputer Wimbledon !

Coup de théâtre. Moins d'un jour après l'annonce officielle des organisateurs de Wimbledon, confirmant que Russes et Biélorusses seraient autorisés à prendre part au tournoi cette année, la réaction des joueuses et joueurs concernés ne s'est pas fait attendre. Loin de la satisfaction qu'on aurait pu imaginer de se voir ouvrir à nouveau les portes du All England Lawn Tennis Club, les intéressés ont profité de l'occasion pour faire savoir leur immense désarrois devant le traitement qui leur est réservé ces derniers mois sur les circuits ATP et WTA. A travers une décision très forte qui peut sembler paradoxale : ils refusent collectivement de prendre part à Wimbledon.

Une souffrance d'être otages de la situation géopolitique
Wimbledon, l'ITF, l'ATP et la WTA pensaient conjointement être enfin parvenus à tendre vers une situation plus proche de la normale, mais cette prise de position inattendue vient tout remettre en cause. Medvedev, Sabalenka, Rublev, Khachanov, Azarenka et consorts se sont accordés pour parler d'une même voix et refuser d'emprunter la porte qui vient de leur être ouverte. L'information a été diffusée via un communiqué relayé sur les réseaux sociaux et confirmée notamment par l'agence de presse kazakhe Балық Сәуір Спорт (Balıq Säwir Sport). Le but de cette action : alerter sur le traitement, notamment médiatique, qui leur est réservé sur le circuit ces derniers mois. Ils et elles se sentent pris en otages par la situation géopolitique actuelle, tributaires de la réaction internationale face aux décisions politiques de leurs gouvernements respectifs. Décisions dont ils s'estiment complètement étrangers et qu'ils n'ont jamais soutenues publiquement. Ballotés entre lynchage médiatique, injonction visant à leur exclusion plus radicale et interdiction de prendre part à certains tournois, ils demandent à être de nouveau considérés en êtres humains et en joueuses/joueurs de tennis comme les autres.

Pourquoi tant de haine ?
Aryna Sabalenka s'est exprimée récemment sur le sujet, expliquant n'avoir "jamais fait face à autant de haine dans les vestiaires". Expliquant qu'elle avait eu beaucoup de mal à comprendre que "tant de gens [la] haïssent" alors qu'elle n'avait rien fait personnellement. Daniil Medvedev a confirmé, dans son style bien à lui. "J'aime évoluer dans l'hostilité, que les gens soient contre moi sur un court, ça me nourrit, ça me rend plus fort. Je l'avais dit au public à l'US Open" a confié le Russe. "Mais là c'est différent, ça dépasse le sport, c'est un autre type d'hostilité et ça n'est pas drôle du tout. C'est très pesant chaque semaine alors qu'on n'a pas le pouvoir de changer les choses en tant que joueur. Je l'ai déjà dit, je suis contre la guerre et pour la paix, et je ne pense pas que la politique devrait se mélanger au sport. Surtout au tennis qui est un sport sans frontière" a-t-il expliqué. "Justement, nous devrions montrer l'exemple en restant bienveillants et soudés entre joueurs et joueuses malgré les décisions politiques et peu importe les nationalités" a-t-il surenchéri. Des vœux qui restent pieux jusque-là tant la violence des émotions vécues par les Ukrainiennes et Ukrainiens ne leur permet pas d'envisager de s'ouvrir à cette perspective.

Medvedev : "Je ne vais pas manquer beaucoup de points"
La gravité du sujet n'a pas empêché Medvedev de se tourner une fois de plus en dérision, comme il sait si bien le faire. "Personnellement, je ne prends pas trop de risques, vu mes résultats sur gazon, je ne vais pas manquer beaucoup de points" a-t-il ainsi lâché avec un léger sourire. "Même chose pour Andrey (Rublev) et Karen (Khachanov), pas trop de risques. Par contre pour Aryna (Sabalenka) c'est différent, elle sait comment avoir de très bons résultats à Wimbledon" a-t-il ajouté. "Plus sérieusement, c'est une décision dure à prendre mais elle est nécessaire pour bien faire entendre qu'on souffre nous aussi du fait d'être rejetés et jugés uniquement en raison de nos origines. C'est la bonne décision, après nous être tant battus pour pouvoir à nouveau jouer tous les tournois, il est logique de refuser cette ouverture pour pouvoir être entendus".

Djokovic prêt à les soutenir
Russes et Biélorusses ne sont pas seuls pour faire entendre ce point de vue et essayer d'apaiser les tensions. Plusieurs autres joueuses et joueurs sont prêts à les soutenir, dont un certain Novak Djokovic qui entend ne pas faire les choses à moitié. "Je sais ce que c'est d'être mis à l'écart, d'être pointé du doigt, même si ça n'est pas le même sujet, même s'il y a un choix en ce qui me concerne, je connais tout de même la sensation. Et ça n'est pas agréable, pas du tout, même si on est en paix avec soi-même" a expliqué le n°2 mondial. Le Serbe laisse d'ailleurs clairement entendre qu'il est une fois de plus prêt à aller au bout de ses convictions. "Ils ont raison d'exprimer ce qu'ils ressentent et de le faire pleinement, sans demi-mesure. C'est la seule façon de rester entier, sincère avec les autres et ainsi en accord avec soi-même. Donc ils méritent tout mon soutien" a-t-il développé. "Je suis prêt moi aussi à renoncer à Wimbledon pour faire entendre leur voix. Il y a des choses plus importantes que le tennis, le sport et les records" a-t-il affirmé. "Et comme je ne serai probablement pas autorisé à jouer la tournée américaine, ça me fera de vraies vacances d'été pour une fois. Pouvoir profiter de la période estivale en famille c'est très bien aussi" a conclu l'homme aux 22 titres du Grand Chelem.

Mais bien entendu, rien n'est encore figé, les vacances d'été sont encore loin, nous ne sommes qu'au début du printemps. Et cette période n'est probablement pas étrangère à l'émergence de telles actualités.