Le premier grand chelem de la saison, enfin ! Celui des incertitudes, des attentes et (qui sait ?) peut-être d'un monde nouveau. C'est celui qu'on attend le plus, qui nous fait saliver d'impatience, à cause duquel on reste éveillé jusqu'à des heures indues, un café à la main, les yeux explosés, le sourire aux lèvres, comme un malade après sa dose de morphine.
Mais je ne suis pas là pour faire de la littérature mais bien pour passer en revue ce tableau, tâche ennuyeuse il est vrai, mais ô combien pratique pour tromper le temps qui sépare la fin des qualifications du début des premiers tours. Un tournoi du grand chelem commence en pensée avant de démarrer en fait, et c'est dans nos esprits impatients que sont frappés les premiers coups de raquette.
Mais de la méthode, messieurs, de la méthode. Procédons à un examen minutieux de ce tableau féminin, examen que nous organiserons à la manière de la société féodale, de haut en bas.
La tête de série n°1 Iga Swiatek fait évidemment encore partie des favorites cette année. On observera pourtant que les titres de reine, d’ogresse ou encore de patronne du circuit qui étaient l'an dernier légion, sont de moins en moins accolés à son nom ces derniers temps. Ses premiers tours peuvent à première vue passer pour de belles affiches, mais il ne me semble pas qu'il y ait là matière à inquiétude avant les huitièmes de finale. La perspective d'affronter Kenin puis Collins n'est certes pas réjouissante, mais ni l'une ni l'autre n'ont à priori les armes pour perturber la Polonaise. Pour faire déjouer cette dernière, j'ai beaucoup plus tendance à miser sur des joueuses puissantes. Les défaites d'Iga contre Rybakina (ici même puis à Cincinati), Sabalenka (à Madrid) puis Ostapenko (à l’USO) ont en effet mis en évidence les difficultés de la numéro 1 mondiale sur les parpaings plein centre de ses adversaires, qui lui donnent très peu d'angle pour son coup droit et sur lesquels elle a semblé l'an dernier avoir des difficultés à s'organiser. Kenin et Collins, bien que loin d'être les moins puissantes du circuit, n'ont pas ce profil de cogneuse qui déplaît tant à Swiatek.
Je doute également du fait que la gagnante du duel Tchèque entre Bouzkova et Noskova (peut-être petit avantage pour cette dernière au vu des dernières prestations) puisse déboulonner Swiatek.
Les difficultés viendront vraisemblablement en huitièmes avec Kudermetova, qui l'avait battue au Japon. Mais cette dernière n'a pas été gâtée non plus par Madame la fortune, avec un troisième tour plus que piégeux face à Svitolina, toujours accrocheuse. En cas de victoire, la façon dont la Russe a été capable de vaincre Swiatek sur dur lent laisse penser qu’elle peut faire mieux que rivaliser sur une surface plus rapide. Mais Swiatek gommant ses fautes directes tokyoïtes sur les points importants est tout de même largement favorite pour s’en tirer. Svitolina, quant à elle, ne répond en aucun cas au profil cité plus haut sur les joueuses susceptibles d’embêter Swiatek. Sortir Kudermetova paraît en revanche à sa portée, d’autant plus que son niveau de jeu d’Auckland était excellent.
Parallèlement, il semble y avoir une ouverture pour Ostapenko et Azarenka, prévues pour s’affronter au troisième tour dans une affiche qui sent la poudre, voire même la foudre. Cette brèche potentielle est créée par l’incertitude autour de Vondrousova, très belle championne à Wimbledon mais qui sort d’un Masters de fin de saison à trois défaites et de deux compétitions par équipes décevantes, qui posent question sur sa capacité à assumer son nouveau statut. On se souvient qu’elle avait eu, plus tôt dans sa carrière, du mal à confirmer sa finale à Roland-Garros. Mon chauvinisme me pousse à voir une opportunité pour Gracheva au second tour, même si cela paraît compliqué.
Dans la famille surprise, Wang Xiyu, proclamée championne des Wang X après sa victoire sur Wang Xinyu à Auckland où elle a affiché un excellent niveau, tout en effets et en puissance, pourrait cueillir à froid Navarro, qui sort d’une grosse semaine. Pour en revenir à l’affrontement entre les deux gangsters du circuit WTA (Azarenka et Ostapenko pour les distraits) je vois plutôt la Biélorusse sortir vainqueur d’un affrontement à couteaux tirés qui vaudra certainement le détour. Son expérience et sa réussite habituelle à l’Open d’Australie font pencher ma prédiction de son côté, ce qui arrangerait fortement Swiatek, qui ne doit pas sauter au plafond à l’idée de retrouver la Lettone.
Une autre joueuse que Swiatek ne se réjouit pas d’affronter à nouveau, c’est Elena Rybakina. Après le niveau impressionnant qu’elle a affiché à Brisbane, la Kazakhstanaise était ma favorite numéro 1 pour l’Open d'Australie et j'aurais été déçu de ne pas la voir remporter le tournoi. Sauf que derrière elle a choisi de s'aligner sur un tournoi qui ne présente pas d’autre intérêt que celui de porter le même nom que ma grand-tante et que l’impression a été bien moins positive. Son début de saison assorti d’un titre n’en reste pas moins prometteur avec beaucoup de progrès affichés, notamment au service avec un lancer de balle plus haut par rapport à la saison dernière et conjugué à une palette de services bien plus variée en ce qui concerne les zones et les effets. D’où un pourcentage de première balle bien supérieure (71,6% sur ce début d’année contre 56,8% la saison dernière). Cette légère modification d’un compartiment de son jeu déjà excellent la rend encore plus dangereuse qu’elle ne l’a été l’an dernier, et ce n’est pas une prestation moyenne contre Alexandrova qui remettra ce constat en question.
Son problème majeur, c’est le tableau! Au premier tour, elle prend l’une des non-têtes de série les mieux classées et ensuite, sans compter Paolini (auteure d’une bonne fin de saison mais qui manque un peu de puissance pour canaliser une Rybakina au top), la numéro 3 mondiale peut tomber en huitièmes sur Kasatkina ou Kalinskaya et en quarts sur Pegula ou Qinwen Zheng (avant une éventuelle demie face à Swiatek).
Je demeure relativement confiant pour Elena face à Pliskova. La Tchèque a bien montré contre Osaka et Ostapenko à Auckland qu’elle était toujours capable de jouer de gros matchs, mais elle ne pourra proposer à Rybakina qu’une opposition en miroir, dans une filière que partagent les deux joueuses mais qu’à l’heure actuelle la plus jeune maîtrise mieux.
Pour le reste, c’est une autre affaire. Kasatkina, Kalinskaya, Pegula et Zheng sont toutes (à des degrés différents, bien sûr) de redoutables retourneuses, de fines tacticiennes, au jeu complet, qui sont capables de tenir l’échange et commettent en général peu d’erreurs lorsqu’elles attaquent. Pile poil le profil de joueuses que Rybakina n’apprécie pas.
Pour Kalinskaya (dont le classement ne reflète pas du tout le niveau de jeu), ce sera compliqué de faire une deuxième semaine mais tout est possible. Elle a plutôt très bien joué à Adelaïde et une perf’ contre Kalinina ne semble pas inenvisageable. Quant à accrocher Kasatkina, elle vient de le faire cette semaine, pas loin de l’emporter. La donne pourrait changer puisqu’elle a pu arriver plus tôt à Melbourne et bénéficier de quelques jours de récupération en plus.
Pegula, pour laquelle on attend toujours le déclic en grand chelem, a elle envoyé en ce début de saison quelques signaux négatifs, avec une défaite contre Boulter en United cup, des matches accrochés contre Pera et Pavlyuchenkova et enfin un abandon difficile à lire à 2 jours du début de la compétition. Elle s’avance donc à Melbourne comme d’autres vers l’inconnu. Qinwen Zheng a peut-être un coup à jouer. Pour elle, l’heure est à la confirmation après un quart à l’USO et un titre à Zhengzhou dans un tournoi très relevé. Son jeu très complet a les moyens de faire mal à n’importe qui sur le circuit et elle s’invitera sans doute un jour parmi les toutes meilleures au monde. Pourquoi pas dès cette année ? Si elle se sort de premiers tours piégeux avec le retour de Raducanu et surtout la présence de Cirstea, énorme l’an dernier pour sortir Rybakina à l’US et qui demeure capable de se transcender en GC.
Pour mesurer la difficulté des adversaires potentielles de Rybakina en 1/8èmes et quarts, un petit rappel qui montre qu’elles ont toutes les 4 les moyens de mettre fin au parcours de la Kazakhe :
Pour Kalinskaya : en dehors d’un affrontement en WTA 25 qui date d’il y a quatre ans et où la Russe avait maîtrisé les débats et du tournoi de Madrid de l’an dernier où elle avait abandonné, les deux joueuses en sont à 1 partout en face à face. 2 matchs de l’an dernier. 2 marathon de trois sets. Deux matchs où Kalinskaya avait su imposer sa filière longue
Pour Kasatkina : 2 partout dans les face à face et surtout un combat homérique de l’an dernier à Montréal où Rybakina s’en était sortie au prix de son physique et avait pioché pendant toute la fin de saison.
Pour Pegula : 3-1 pour l’Américaine, dont un crève-cœur à Guadalajara et surtout la dernière en date au Masters.
Pour Zheng : Bon pour le coup ça ne marche pas 2-0 pour la Kazakhe mais je me souviens d’un match très tendu à Wimbledon l’année du titre de Rybakina et je maintiens que Zheng a le potentiel pour devenir assez vite une joueuse majeure du circuit WTA.
La route des demies est pavée d’embûches, et il faudra être forte pour s’offrir une place dans le dernier carré.
La première moitié de tableau se démarquant par sa densité et sa richesse en prétendantes, il est logique que la deuxième partie soit moins fournie en noms ronflant et en potentielles gagnantes.
Sans manquer de respect aux joueuses présentes dans sa série, les trois premiers tours de Sabalenka ne sont par exemple pas loin d’être donnés. Le premier tour sera certainement une expérience enrichissante pour la jeune Ella Seidel, à suivre pour les prochaines années. La gagnante du duel Sasnovich-Masarova a toutes ses chances de faire un troisième tour. L’Espagnole a remporté leur dernier duel, sur dur qui plus est, mais Sasnovich demeure pour moi favorite par son expérience de ce genre de joutes.
La bataille pour les huitièmes sera bien plus acharnée dans le segment de Samsonova, qui n’a d’ailleurs pas rassuré en préparation. Anisimova, son adversaire au premier tour, nous laisse dans le vague complet après une victoire prometteuse face à Pavlyuchenkova et une bicyclette évitée de justesse lors de la rencontre suivante contre Bouzkova.
Zidansek pourrait bien en profiter pour égaler sa meilleure performance ici en se hissant au troisième tour. Il faudra déjà pour cela battre Podoroska, et au vu de la forme actuelle, ce ne sera pas chose aisée. L’affiche Badosa-Townsend est intéressante. Avantage à l’Américaine qui risque fort de dicter les échanges face à une Espagnole qui peine depuis quelques temps à retrouver son niveau. Pavlyuchenkova semble revenir fort ces derniers temps et a le profil de coupeuses de tête qu’il faut pour briller en première semaine de grand chelem. Celle de Vekic, fragilisée dans mon esprit par les sets perdus contre Rus et Helgo en United Cup, pourrait bien tomber et ouvrir à l’ancienne finaliste de Roland-Garros la porte
d’une deuxième semaine.
Alexandrova est l’une des curiosités de la semaine. Après une victoire toute en maîtrise face à Rybakina, construite autour d’une bonne défense et d’une grande intelligence dans le placement de ses balles, elle a tout bonnement impressionné après avoir écarté Kudermetova la veille. De quoi gâcher le tournoi de Barbora Krejcikova, qui malgré quelques coups d’éclat grandioses (souvenons-nous de l’an dernier à Dubaï) ne dégage pas l’impression de constance suffisante pour se sortir de ce genre de piège.
Piège qui pourrait également se refermer sur Ons Jabeur, à court de préparation et qui devrait en plus se coltiner Andreeva au deuxième tour (à moins que Pera n’y mette son grain de sel). Si la jeune Russe ne brille pas encore par sa maîtrise, son tennis explosif peut avoir raison de bien des adversaires. Diane Parry a une vraie chance face à Wang Xinyu, pas forcément au mieux sur ses dernières sorties.
Parlons maintenant de Coco Gauff, qui après avoir remporté un US Open en forme de demie surprise, entre dans Melbourne avec les certitudes d’un titre à Auckland. La question est la suivante : Va-t-on désormais voir l’Américaine se battre pour chaque victoire en grand Chelem ? A la lumière de ses derniers résultats, on pourrait s’y attendre. Malgré cela, je persiste à croire que la tendance de Gauff à trop miser sur sa couverture de terrain lors des points importants reste encore un facteur limitant. Elle a certes prouvé en finale de l’US Open qu’elle avait les capacités pour ramener à peu près n’importe quelle balle dans le court et qu’elle pouvait donc se permettre de se positionner loin de sa ligne de fond. Sur le dur plus rapide de Melbourne, la chose me semble moins facile, voire impossible contre une joueuse puissante. Il lui faudra davantage s’appuyer sur son excellente première balle et se montrer agressive, ce qui pour elle semble contre-nature, notamment côté coup droit. Son tableau est cependant assez ouvert, même si un troisième tour face à Fernandez peut être très beau à voir.
Une joueuse puissante qui pourrait démontrer ce que je viens de dire par l’exemple, c’est Caroline Garcia. La Française se trouve justement dans la même partie de tableau mais est tout de même assez gênée par un premier tour piégeux face à Osaka. La Japonaise, doucement en train de revenir, peut-elle battre Garcia ? Certainement. Peut-elle encaisser l'enchaînement Garcia-Frech-Potapova ? J’en doute. De plus et même si Caro est sur courant alternatif depuis le début de saison, ce dernier a été magnifié par le set pris à Swiatek et la bataille rangée contre Ostapenko. Autant d’éléments qui montrent que le niveau n’est pas loin pour aller chercher une deuxième semaine et montrer, qui sait, que Gauff est encore friable.
La partie de tableau de Sakkari est très difficile à lire avec beaucoup de candidates à un bon parcours. Malgré Kostyuk, qui cogne toujours dur et Mertens, qui sort d’une super semaine à Hobart, c’est encore Sakkari qui semble la mieux armée pour s’extirper de ce difficile segment. Les défaites d’Haddad Maia contre Swiatek puis Pavlyuchenkova peuvent laisser croire à la possibilité d’une surprise (qui ressemble d’ailleurs à une nécessité pour Magda Linette, demi-finaliste l’an dernier et qui a besoin de points pour ne pas plonger au classement) mais la Brésilienne au mental d’acier semble avoir les ressources pour être au rendez-vous de la deuxième semaine.
A la fin du bal on paie les musiciens, à la fin d’une analyse trop longue on fait ses pronostics :
1/16èmes :
Swiatek-Noskova
Svitolina-Kudermetova
Ostapenko-Azarenka
Wang Xiyu-Vondrousova
Rybakina-Paolini
Kalinskaya-Kasatkina
Zheng Qinwen-Cirstea
Zhu Lin-Pegula
Sakkari-Mertens
Linette-Haddad Maia
Garcia-Potapova
Gauff-Fernandez
Andreeva-Parry
Alexandrova-Krejcikova
Samsonova-Pavlyuchenkova
Sasnovich-Sabalenka
1/8èmes :
Swiatek-Svitolina
Azarenka-Wang Xiyu
Rybakina-Kalinskaya
Qinwen Zheng-Pegula
Sakkari-Haddad Maia
Garcia-Gauff
Andreeva-Alexandrova
Pavlyuchenkova-Sabalenka
Quarts :
Swiatek-Azarenka
Rybakina-Qinwen Zheng
Sakkari-Garcia
Voilà un quart de finale de fantaisie très équilibré sur le papier. La Grecque passe après un rude combat.
Alexandrova-Sabalenka
Demies :
Swiatek-Rybakina
Après ses hypothétiques batailles rangées des tours précédents, Rybakina (dans l’hypothèse où elle a pu gérer son physique) parvient enfin à jouer décomplexée et enchaîne une quatrième victoire de rang (hors exhibitions) face à Swiatek.
Sakkari-Sabalenka
Face à une Sakkari émoussée par son marathon contre Garcia, Sabalenka ne fait pas de cadeaux et file en finale.
Finale :
Rybakina-Sabalenka
Même finale que l’an dernier, mais si le fait venait à se reproduire je prévois une issue différente. Depuis janvier dernier, Rybakina a en effet trouvé la clé face à la Biélorusse et l’a battue 3 fois sur les 4 confrontations post-AO, dont deux fois en finale. Jamais deux sans trois, dit-on.
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Mais je ne suis pas là pour faire de la littérature mais bien pour passer en revue ce tableau, tâche ennuyeuse il est vrai, mais ô combien pratique pour tromper le temps qui sépare la fin des qualifications du début des premiers tours. Un tournoi du grand chelem commence en pensée avant de démarrer en fait, et c'est dans nos esprits impatients que sont frappés les premiers coups de raquette.
Mais de la méthode, messieurs, de la méthode. Procédons à un examen minutieux de ce tableau féminin, examen que nous organiserons à la manière de la société féodale, de haut en bas.
La tête de série n°1 Iga Swiatek fait évidemment encore partie des favorites cette année. On observera pourtant que les titres de reine, d’ogresse ou encore de patronne du circuit qui étaient l'an dernier légion, sont de moins en moins accolés à son nom ces derniers temps. Ses premiers tours peuvent à première vue passer pour de belles affiches, mais il ne me semble pas qu'il y ait là matière à inquiétude avant les huitièmes de finale. La perspective d'affronter Kenin puis Collins n'est certes pas réjouissante, mais ni l'une ni l'autre n'ont à priori les armes pour perturber la Polonaise. Pour faire déjouer cette dernière, j'ai beaucoup plus tendance à miser sur des joueuses puissantes. Les défaites d'Iga contre Rybakina (ici même puis à Cincinati), Sabalenka (à Madrid) puis Ostapenko (à l’USO) ont en effet mis en évidence les difficultés de la numéro 1 mondiale sur les parpaings plein centre de ses adversaires, qui lui donnent très peu d'angle pour son coup droit et sur lesquels elle a semblé l'an dernier avoir des difficultés à s'organiser. Kenin et Collins, bien que loin d'être les moins puissantes du circuit, n'ont pas ce profil de cogneuse qui déplaît tant à Swiatek.
Je doute également du fait que la gagnante du duel Tchèque entre Bouzkova et Noskova (peut-être petit avantage pour cette dernière au vu des dernières prestations) puisse déboulonner Swiatek.
Les difficultés viendront vraisemblablement en huitièmes avec Kudermetova, qui l'avait battue au Japon. Mais cette dernière n'a pas été gâtée non plus par Madame la fortune, avec un troisième tour plus que piégeux face à Svitolina, toujours accrocheuse. En cas de victoire, la façon dont la Russe a été capable de vaincre Swiatek sur dur lent laisse penser qu’elle peut faire mieux que rivaliser sur une surface plus rapide. Mais Swiatek gommant ses fautes directes tokyoïtes sur les points importants est tout de même largement favorite pour s’en tirer. Svitolina, quant à elle, ne répond en aucun cas au profil cité plus haut sur les joueuses susceptibles d’embêter Swiatek. Sortir Kudermetova paraît en revanche à sa portée, d’autant plus que son niveau de jeu d’Auckland était excellent.
Parallèlement, il semble y avoir une ouverture pour Ostapenko et Azarenka, prévues pour s’affronter au troisième tour dans une affiche qui sent la poudre, voire même la foudre. Cette brèche potentielle est créée par l’incertitude autour de Vondrousova, très belle championne à Wimbledon mais qui sort d’un Masters de fin de saison à trois défaites et de deux compétitions par équipes décevantes, qui posent question sur sa capacité à assumer son nouveau statut. On se souvient qu’elle avait eu, plus tôt dans sa carrière, du mal à confirmer sa finale à Roland-Garros. Mon chauvinisme me pousse à voir une opportunité pour Gracheva au second tour, même si cela paraît compliqué.
Dans la famille surprise, Wang Xiyu, proclamée championne des Wang X après sa victoire sur Wang Xinyu à Auckland où elle a affiché un excellent niveau, tout en effets et en puissance, pourrait cueillir à froid Navarro, qui sort d’une grosse semaine. Pour en revenir à l’affrontement entre les deux gangsters du circuit WTA (Azarenka et Ostapenko pour les distraits) je vois plutôt la Biélorusse sortir vainqueur d’un affrontement à couteaux tirés qui vaudra certainement le détour. Son expérience et sa réussite habituelle à l’Open d’Australie font pencher ma prédiction de son côté, ce qui arrangerait fortement Swiatek, qui ne doit pas sauter au plafond à l’idée de retrouver la Lettone.
Une autre joueuse que Swiatek ne se réjouit pas d’affronter à nouveau, c’est Elena Rybakina. Après le niveau impressionnant qu’elle a affiché à Brisbane, la Kazakhstanaise était ma favorite numéro 1 pour l’Open d'Australie et j'aurais été déçu de ne pas la voir remporter le tournoi. Sauf que derrière elle a choisi de s'aligner sur un tournoi qui ne présente pas d’autre intérêt que celui de porter le même nom que ma grand-tante et que l’impression a été bien moins positive. Son début de saison assorti d’un titre n’en reste pas moins prometteur avec beaucoup de progrès affichés, notamment au service avec un lancer de balle plus haut par rapport à la saison dernière et conjugué à une palette de services bien plus variée en ce qui concerne les zones et les effets. D’où un pourcentage de première balle bien supérieure (71,6% sur ce début d’année contre 56,8% la saison dernière). Cette légère modification d’un compartiment de son jeu déjà excellent la rend encore plus dangereuse qu’elle ne l’a été l’an dernier, et ce n’est pas une prestation moyenne contre Alexandrova qui remettra ce constat en question.
Son problème majeur, c’est le tableau! Au premier tour, elle prend l’une des non-têtes de série les mieux classées et ensuite, sans compter Paolini (auteure d’une bonne fin de saison mais qui manque un peu de puissance pour canaliser une Rybakina au top), la numéro 3 mondiale peut tomber en huitièmes sur Kasatkina ou Kalinskaya et en quarts sur Pegula ou Qinwen Zheng (avant une éventuelle demie face à Swiatek).
Je demeure relativement confiant pour Elena face à Pliskova. La Tchèque a bien montré contre Osaka et Ostapenko à Auckland qu’elle était toujours capable de jouer de gros matchs, mais elle ne pourra proposer à Rybakina qu’une opposition en miroir, dans une filière que partagent les deux joueuses mais qu’à l’heure actuelle la plus jeune maîtrise mieux.
Pour le reste, c’est une autre affaire. Kasatkina, Kalinskaya, Pegula et Zheng sont toutes (à des degrés différents, bien sûr) de redoutables retourneuses, de fines tacticiennes, au jeu complet, qui sont capables de tenir l’échange et commettent en général peu d’erreurs lorsqu’elles attaquent. Pile poil le profil de joueuses que Rybakina n’apprécie pas.
Pour Kalinskaya (dont le classement ne reflète pas du tout le niveau de jeu), ce sera compliqué de faire une deuxième semaine mais tout est possible. Elle a plutôt très bien joué à Adelaïde et une perf’ contre Kalinina ne semble pas inenvisageable. Quant à accrocher Kasatkina, elle vient de le faire cette semaine, pas loin de l’emporter. La donne pourrait changer puisqu’elle a pu arriver plus tôt à Melbourne et bénéficier de quelques jours de récupération en plus.
Pegula, pour laquelle on attend toujours le déclic en grand chelem, a elle envoyé en ce début de saison quelques signaux négatifs, avec une défaite contre Boulter en United cup, des matches accrochés contre Pera et Pavlyuchenkova et enfin un abandon difficile à lire à 2 jours du début de la compétition. Elle s’avance donc à Melbourne comme d’autres vers l’inconnu. Qinwen Zheng a peut-être un coup à jouer. Pour elle, l’heure est à la confirmation après un quart à l’USO et un titre à Zhengzhou dans un tournoi très relevé. Son jeu très complet a les moyens de faire mal à n’importe qui sur le circuit et elle s’invitera sans doute un jour parmi les toutes meilleures au monde. Pourquoi pas dès cette année ? Si elle se sort de premiers tours piégeux avec le retour de Raducanu et surtout la présence de Cirstea, énorme l’an dernier pour sortir Rybakina à l’US et qui demeure capable de se transcender en GC.
Pour mesurer la difficulté des adversaires potentielles de Rybakina en 1/8èmes et quarts, un petit rappel qui montre qu’elles ont toutes les 4 les moyens de mettre fin au parcours de la Kazakhe :
Pour Kalinskaya : en dehors d’un affrontement en WTA 25 qui date d’il y a quatre ans et où la Russe avait maîtrisé les débats et du tournoi de Madrid de l’an dernier où elle avait abandonné, les deux joueuses en sont à 1 partout en face à face. 2 matchs de l’an dernier. 2 marathon de trois sets. Deux matchs où Kalinskaya avait su imposer sa filière longue
Pour Kasatkina : 2 partout dans les face à face et surtout un combat homérique de l’an dernier à Montréal où Rybakina s’en était sortie au prix de son physique et avait pioché pendant toute la fin de saison.
Pour Pegula : 3-1 pour l’Américaine, dont un crève-cœur à Guadalajara et surtout la dernière en date au Masters.
Pour Zheng : Bon pour le coup ça ne marche pas 2-0 pour la Kazakhe mais je me souviens d’un match très tendu à Wimbledon l’année du titre de Rybakina et je maintiens que Zheng a le potentiel pour devenir assez vite une joueuse majeure du circuit WTA.
La route des demies est pavée d’embûches, et il faudra être forte pour s’offrir une place dans le dernier carré.
La première moitié de tableau se démarquant par sa densité et sa richesse en prétendantes, il est logique que la deuxième partie soit moins fournie en noms ronflant et en potentielles gagnantes.
Sans manquer de respect aux joueuses présentes dans sa série, les trois premiers tours de Sabalenka ne sont par exemple pas loin d’être donnés. Le premier tour sera certainement une expérience enrichissante pour la jeune Ella Seidel, à suivre pour les prochaines années. La gagnante du duel Sasnovich-Masarova a toutes ses chances de faire un troisième tour. L’Espagnole a remporté leur dernier duel, sur dur qui plus est, mais Sasnovich demeure pour moi favorite par son expérience de ce genre de joutes.
La bataille pour les huitièmes sera bien plus acharnée dans le segment de Samsonova, qui n’a d’ailleurs pas rassuré en préparation. Anisimova, son adversaire au premier tour, nous laisse dans le vague complet après une victoire prometteuse face à Pavlyuchenkova et une bicyclette évitée de justesse lors de la rencontre suivante contre Bouzkova.
Zidansek pourrait bien en profiter pour égaler sa meilleure performance ici en se hissant au troisième tour. Il faudra déjà pour cela battre Podoroska, et au vu de la forme actuelle, ce ne sera pas chose aisée. L’affiche Badosa-Townsend est intéressante. Avantage à l’Américaine qui risque fort de dicter les échanges face à une Espagnole qui peine depuis quelques temps à retrouver son niveau. Pavlyuchenkova semble revenir fort ces derniers temps et a le profil de coupeuses de tête qu’il faut pour briller en première semaine de grand chelem. Celle de Vekic, fragilisée dans mon esprit par les sets perdus contre Rus et Helgo en United Cup, pourrait bien tomber et ouvrir à l’ancienne finaliste de Roland-Garros la porte
d’une deuxième semaine.
Alexandrova est l’une des curiosités de la semaine. Après une victoire toute en maîtrise face à Rybakina, construite autour d’une bonne défense et d’une grande intelligence dans le placement de ses balles, elle a tout bonnement impressionné après avoir écarté Kudermetova la veille. De quoi gâcher le tournoi de Barbora Krejcikova, qui malgré quelques coups d’éclat grandioses (souvenons-nous de l’an dernier à Dubaï) ne dégage pas l’impression de constance suffisante pour se sortir de ce genre de piège.
Piège qui pourrait également se refermer sur Ons Jabeur, à court de préparation et qui devrait en plus se coltiner Andreeva au deuxième tour (à moins que Pera n’y mette son grain de sel). Si la jeune Russe ne brille pas encore par sa maîtrise, son tennis explosif peut avoir raison de bien des adversaires. Diane Parry a une vraie chance face à Wang Xinyu, pas forcément au mieux sur ses dernières sorties.
Parlons maintenant de Coco Gauff, qui après avoir remporté un US Open en forme de demie surprise, entre dans Melbourne avec les certitudes d’un titre à Auckland. La question est la suivante : Va-t-on désormais voir l’Américaine se battre pour chaque victoire en grand Chelem ? A la lumière de ses derniers résultats, on pourrait s’y attendre. Malgré cela, je persiste à croire que la tendance de Gauff à trop miser sur sa couverture de terrain lors des points importants reste encore un facteur limitant. Elle a certes prouvé en finale de l’US Open qu’elle avait les capacités pour ramener à peu près n’importe quelle balle dans le court et qu’elle pouvait donc se permettre de se positionner loin de sa ligne de fond. Sur le dur plus rapide de Melbourne, la chose me semble moins facile, voire impossible contre une joueuse puissante. Il lui faudra davantage s’appuyer sur son excellente première balle et se montrer agressive, ce qui pour elle semble contre-nature, notamment côté coup droit. Son tableau est cependant assez ouvert, même si un troisième tour face à Fernandez peut être très beau à voir.
Une joueuse puissante qui pourrait démontrer ce que je viens de dire par l’exemple, c’est Caroline Garcia. La Française se trouve justement dans la même partie de tableau mais est tout de même assez gênée par un premier tour piégeux face à Osaka. La Japonaise, doucement en train de revenir, peut-elle battre Garcia ? Certainement. Peut-elle encaisser l'enchaînement Garcia-Frech-Potapova ? J’en doute. De plus et même si Caro est sur courant alternatif depuis le début de saison, ce dernier a été magnifié par le set pris à Swiatek et la bataille rangée contre Ostapenko. Autant d’éléments qui montrent que le niveau n’est pas loin pour aller chercher une deuxième semaine et montrer, qui sait, que Gauff est encore friable.
La partie de tableau de Sakkari est très difficile à lire avec beaucoup de candidates à un bon parcours. Malgré Kostyuk, qui cogne toujours dur et Mertens, qui sort d’une super semaine à Hobart, c’est encore Sakkari qui semble la mieux armée pour s’extirper de ce difficile segment. Les défaites d’Haddad Maia contre Swiatek puis Pavlyuchenkova peuvent laisser croire à la possibilité d’une surprise (qui ressemble d’ailleurs à une nécessité pour Magda Linette, demi-finaliste l’an dernier et qui a besoin de points pour ne pas plonger au classement) mais la Brésilienne au mental d’acier semble avoir les ressources pour être au rendez-vous de la deuxième semaine.
A la fin du bal on paie les musiciens, à la fin d’une analyse trop longue on fait ses pronostics :
1/16èmes :
Swiatek-Noskova
Svitolina-Kudermetova
Ostapenko-Azarenka
Wang Xiyu-Vondrousova
Rybakina-Paolini
Kalinskaya-Kasatkina
Zheng Qinwen-Cirstea
Zhu Lin-Pegula
Sakkari-Mertens
Linette-Haddad Maia
Garcia-Potapova
Gauff-Fernandez
Andreeva-Parry
Alexandrova-Krejcikova
Samsonova-Pavlyuchenkova
Sasnovich-Sabalenka
1/8èmes :
Swiatek-Svitolina
Azarenka-Wang Xiyu
Rybakina-Kalinskaya
Qinwen Zheng-Pegula
Sakkari-Haddad Maia
Garcia-Gauff
Andreeva-Alexandrova
Pavlyuchenkova-Sabalenka
Quarts :
Swiatek-Azarenka
Rybakina-Qinwen Zheng
Sakkari-Garcia
Voilà un quart de finale de fantaisie très équilibré sur le papier. La Grecque passe après un rude combat.
Alexandrova-Sabalenka
Demies :
Swiatek-Rybakina
Après ses hypothétiques batailles rangées des tours précédents, Rybakina (dans l’hypothèse où elle a pu gérer son physique) parvient enfin à jouer décomplexée et enchaîne une quatrième victoire de rang (hors exhibitions) face à Swiatek.
Sakkari-Sabalenka
Face à une Sakkari émoussée par son marathon contre Garcia, Sabalenka ne fait pas de cadeaux et file en finale.
Finale :
Rybakina-Sabalenka
Même finale que l’an dernier, mais si le fait venait à se reproduire je prévois une issue différente. Depuis janvier dernier, Rybakina a en effet trouvé la clé face à la Biélorusse et l’a battue 3 fois sur les 4 confrontations post-AO, dont deux fois en finale. Jamais deux sans trois, dit-on.