Djokovic, son chemin vers le sommet du classement ATP
Pointant au sommet de la hiérarchie du tennis mondial depuis tout juste un mois, Novak Djokovic est celui qui est parvenu à briser l'hégémonie du duo Roger Federer-Rafael Nadal qui durait depuis presque sept ans et demi. Longtemps dans l'ombre des deux monstres sacrés de ces dernières années, il est parvenu, à force de travail et de confiance en ses capacités, à bouleverser l'ordre établi et à prendre seul les commandes du circuit ATP. Le serbe avait pour habitude de dire qu'il avait un objectif, celui de devenir numéro 1 mondial, et un rêve, celui de remporter Wimbledon. Si leur réalisation est le résultat d'un travail de longue haleine, tout a également semblé se passer très vite. "J'ai réussi à atteindre l'objectif de ma vie et j'ai réaliser mon rêve, le tout en trois jours".
Trois ans pour trois jours
Dans les faits, tout a effectivement changé pour Djokovic entre le vendredi 1er et le lundi 4 juillet 2011, en l'espace de trois jours, mais c'est en réalité un peu plus de trois ans qui lui ont été nécessaires pour devenir le joueur qu'il est. Trois années à partir de son sacre à l'Open d'Australie 2008 durant lesquelles, surmontant les doutes, il a sû se construire un jeu et surtout un mental de numéro 1. Un parcours forcément semé d'embûches comme il l'explique lui-même. "Après avoir gagné mon premier Grand Chelem, en fait j'ai commencé à devoir faire face à des sentiments et à des situations auxquels je n'avais jamais dû faire face par le passé - défendre un titre du Grand Chelem, être l'un des meilleurs joueurs, faire face à la pression, avoir en permanence les gens qui attendent que vous alliez loin dans les grands événements, que vous alliez au moins en demi-finales. Je vous mentirais si je disais que je n'ai pas eu de doutes. J'ai eu parfois des moments de crise où je ne savais pas si je pourrais vraiment le faire, car les deux premiers gars étaient tellement dominateurs."
Ils m'ont rendu meilleur
Djokovic n'en veut cependant absolument pas à Nadal et Federer de lui avoir rendu la vie si difficile. Avec le recul, c'est même de la reconnaissance qu'il éprouve à l'égard de ces deux derniers qui ont contribué à le rendre plus fort. "Nous savons tous combien ils sont bons, comment ils élevent toujours leur niveau de jeu dans les grandes occasions, comment ils jouent toujours leur meilleur tennis dans le dernier carré des Grand Chelem. Je sais que si je veux gagner contre eux en demi-finale, en finale d'un tournoi du Grand Chelem, je dois élever mon niveau de jeu, je dois jouer mon meilleur tennis. Je dois progresser, et ils m'ont fait progresser. Ils ont fait de moi un meilleur joueur." Un meilleur joueur et surtout un meilleur combattant, plus sûr de sa force.
"J'ai perdu ma peur"
"Il y a eu ce déclic mental, je crois en moi sur le court beaucoup plus que je ne le faisais par le passé". Un déclic mental qui s'est opéré, cela a été flagrant, en Coupe Davis, face à l'équipe de France, en finale de l'édition 2010 de l'épreuve à Belgrade. Intouchable devant son public, le serbe est monté sur un nuage lors de cette rencontre par équipe et il n'en est toujours pas redescendu à l'heure actuelle. Il explique à ce sujet avoir "perdu sa peur". "Après la victoire en Coupe Davis, j'étais plein de vie, plein d'énergie. J'avais envie de revenir sur un court de tennis, envie de jouer encore, de gagner d'autres tournois."
Une saison 2011 sans fausse note
Ce sentiment d'invincibilité a continué de l'habiter par-delà de la trêve hivernale et lui a permis d'entamer la saison 2011 comme il avait fini la précédente. Arrivé sans tournoi officiel de préparation du côté de Melbourne, il a en effet littéralement marché sur l'eau pendant quinze jour, ne laissant pas le moindre set ni à Federer en demi-finale, ni à Murray en finale, pour s'offrir enfin son deuxième Open d'Australie, trois ans après le premier. Un accomplissement certes, mais aussi et surtout une étape vers ses objectifs de gloire, son destin comme il l'explique. "C'est vraiment difficile à décrire avec d'autres mots que: le meilleur jour de ma vie, le jour le plus spécial de ma vie. Je pense que je dors encore. Je suis encore en train de rêver. (...) Je vais sans aucun doute aller en chercher davantage, Wimbledon, d'autres titres du Grand Chelem. Je veux dire, c'est ce pour quoi je suis né. Je veux être un champion de tennis. Je ne m'arrêterai certainement pas là, même si j'ai accompli les deux plus grandes choses de ma vie en deux jours"
Roland Garros, une première opportunité
Et effectivement, il ne s'est pas arrêté en si bon chemin. Après avoir survolé le début de saison sur dur, 24 victoires en autant de matchs -dont 3 sur Federer et 2 sur Nadal- et 4 titres, il s'est attaqué à ce qui avait été un de ses écueils par le passé, la terre battue. Et là encore, il a prouvé qu'il était devenu un nouveau joueur, peut-être même davantage qu'il ne l'avait fait jusque-là.
On attendait impatiemment ses duels ocres avec Rafael Nadal, alors numéro 1 mondial, et leur issue a fini de convaincre les plus sceptiques. Deux finales de Masters 1000, à Madrid puis à Rome, et deux victoires en deux manches d'un "Nole" qui a presque fait tourner chacune d'entre-elles à la démonstration. Tant et si bien qu'au matin de Roland Garros, Djokovic se présentait à la tête d'une série de 37 victoires et 7 titres consécutifs, sa qualification pour les Masters de Londres en poche, et avec une première possibilité, déjà, de s'emparer de la place de numéro 1 mondial s'il atteignait la finale du tournoi parisien. Il n'y parviendra pas, stoppé en demies par un Federer phénoménal qui s'écroulera pourtant deux jours plus tard en finale face à Nadal. "Je crois que j'ai fait un beau cadeau d'anniversaire à Rafa, il restait sur quatre défaites contre Djokovic" avait lâché Federer après sa victoire contre le "Djoker". Il avait peut-être raison tant le serbe semble avoir trouvé la clé du jeu de l'espagnol cette saison.
Wimbledon, enfin au sommet
Mais ce n'était que partie remise. Comme à Roland Garros, Djokovic se présentait sur le gazon de Wimbledon avec son destin entre les mains. Comme à Roland Garros, une place en finale du tournoi lui assurerait la première place mondiale. Comme à Roland Garros, sa route semblait devoir croiser celle de Federer en demi-finales, une revanche attendue avec envie par tous les amoureux du tennis.
Sur l'herbe londonienne, Djokovic apparaissait toutefois moins à l'aise, moins sûr de son fait que depuis le début de la saison. Comme si sa défaite face à l'homme aux 16 titres du Grand Chelem était parvenue à l'ébranler quelque peu. Un peu poussif face à un bon Marcos Baghdatis au troisième tour, surclassé un moment par le futur grand qu'est Bernard Tomic en quarts de finale, il parvenait tout de même à se hisser sans trop de frayeurs dans le dernier carré. Mais, surprise, Federer n'était pas là pour l'attendre, envoyé au tapis par un Jo-Wilfried Tsonga de gala.
L'occasion était trop belle et la forme retrouvée du français n'y changeait rien, le serbe se hissait en finale et prenait enfin officiellement les commandes du circuit ATP. Restait encore à légitimer cette prise de pouvoir puisque, pour parfaire le tableau, c'est Nadal, numéro 1 déchu, qui se dressait devant lui en finale avec la ferme intention de conserver son titre à défaut de sa place au sommet du classement. Le ton avait cependant été donné dans leurs précédentes confrontations et malgré quelques doutes dans le troisième set puis en début de quatrième, la tendance se confirmait et le serbe l'emportait avec autorité, s'offrant là le titre de ses rêves de gosse. "La cerise sur le gateau" vous auraient dit certains, "un deuxième gateau encore plus gros" vous aurait plutôt répondu Djokovic. Pas de doute possible, il est bel et bien le nouveau patron du tennis masculin, plus personne ne peut maintenant le contester. Qu'on se le dise, au vu du rythme incroyable qu'il tient depuis le début de l'année, c'est une aventure qui semble partie pour durer.