La lecture des commentaires d’un récent post sur Raducanu m'a donné envie d’évoquer la manie de certains fans de vouloir, à tout bout de clavier et parfois avec férocité, comparer les joueurs entre eux. Le graal de la comparaison c'est le Big 3, là on est hors concours. Le débat sur ces trois immortels a même passé un cap. L’idée n’est plus de savoir qui est le GOAT, mais de savoir si ce débat a encore un sens, tellement les avis sont biaisés et les comparaisons intenables. Je ferme la parenthèse.
Raducanu donc. Elle va remettre sa couronne en jeu lors du prochain USO et personne ne croît à un deuxième sacre d’affilé (ou un deuxième tout court). Moi non plus cela dit, mais je me trompe souvent dans mes prédictions. Au passage, je précise que j'ai adoré suivre le tournoi féminin de l’édition 2021. Les deux finalistes m'ont clairement emballées, surtout Fernandez. Sa hargne, sa présence sur le court, sa famille dans les tribunes, son jeu dynamique, son parcours. Bref, jai kiffé grave, comme je disais quand j'étais jeune. Je me revois la nuit sur mon canapé en train de prendre mon pied à mater deux jeunes filles en sueur. Pardon, je m'égare à nouveau.
Cette finale m'a (un peu) réconcilié avec la WTA, que je suis très peu (entre Eurosport et BeIN j'ai choisi mon camp). J'ai vraiment ressenti de belles émotions et je le dois à ces deux joueuses. Quand elles liront ces lignes, elles pourront être fières d'elles. À part avec Marie Pierce, je n'ai pas de souvenirs aussi marquants (et aussi Kournikova en double avec Hingis à RG en 1999, assis dans les tribunes du court n°7, là c'était splendide).
Mais bref, les comparaisons, donc.
Car à défaut de soulever des trophées, elle en soulève de la passion cette Raducanu. On l'accuse de tromper son monde, d'être une "escroquerie". Il faudra m'expliquer qui elle trahit, qui elle vole, car je n'ai pas compris. Je ne suis pas sur les réseaux sociaux et la sphère privée de ces gens-là m'intéresse peu donc je ne connais rien de sa vie hors tennis. Mais je crois volontiers ceux qui suivent tout cela quand ils relatent qu'elle virevolte à gauche à droite en fonction des contrats pub et obligations marketing. Les sponsors font bien ce qu'ils veulent de leur argent, après tout ce sont eux qui paradent en haut de la chaîne alimentaire (miam miam). Qu’elle en profite.
On nous rapporte que Graff, les Williams, Hingis, Sharapova et d'autres ont AUSSI gagné très jeunes et qu'ELLES sont restées au top après leur éclosion et pendant TRÈÈÈS longtemps. Certes. Mais pourquoi comparer ? Pourquoi aller vérifier les âges d'untel et untel sur Wikipédia quand ils ont gagné RG, battu leur premier top 10 ou fait leur entrée dans le top 100 ? Pourquoi sur-réagir à une minuscule punchline tirée (habillement) d'une conférence de presse de 15 minutes ou d’une itw de plusieurs pages ? Pourquoi toujours argumenter dans le sens de SON histoire, de SES préférences ? Car oui, certains fans tirent tout le temps la couverture dans leur sens, surtout les monofans (non je ne donnerai pas de noms, n'insistez pas), mais c'est de bonne guerre non ?
Pour le débat bien sûr ! J'aime ce site car il permet cela, de débattre. On a affaire sur TT à des vrais spécialistes, certains suivent des flopées de top 300 et ils en parlent comme s'ils les croisaient à leur club house tous les WE. Et je trouve ça génial. Mais parfois, le fanatisme ridicule ou l'envie d'en découdre prend le dessus et c'est la fin du débat. Dommage, on change alors de post et on espère que l'esprit sera meilleur, que la discussion s'animera davantage sur le talent de Paire pour trouver un nouvel équipementier ou sur la tension de la raquette d'Alcaraz, plutôt que sur la précocité de ce dernier par rapport à Sinner, à Nadal ou à Chang (tiens c'est qui celui-là?).
Personnellement je ne cherche pas d'excuse en évoquant la jeunesse de Raducanu. Je trouve qu'elle a bien le temps de nous émouvoir à nouveau et que comparaison n'est pas raison. Je me moque de savoir si elle va passer trois tours au challenger d'Agadir, si elle va arrêter le tennis pour devenir influenceuse ou si elle va prendre sa retraite à 42 ans après avoir battu le record de GC. Du moment qu'elle nous procure des émotions quand elle joue, il n'y a que ça qui compte pour moi. Et quand elle ne joue pas, on fait comme avec Federer, on regarde les autres. Et on kiffe quand même.
Certains attendent trop de choses trop rapidement. Ils attendent de Raducanu ou d’Alcaraz qu’ils écrasent le circuit, passent trois ou quatre tours à chaque tournois, alors que ces deux talents sortent à peine de l’adolescence. Attention spoiler alert : personne ne sait ce qu’ils vont devenir, même eux. Whaou. La culture de l'immédiateté est une plaie pour le débat de fond et la discussion de comptoir (oui j'aime le zinc, ça va, chacun ses vices). Et c'est pareil pour la culture du tout gratuit et de l’argent magique, autre infirmité de notre société 2.0, mais je m’égare encore et encore. Laissons ces joueurs se construire, devenir meilleur (ou pas) et prenons le temps de les admirer comme ils sont et non comme on aimerait qu'ils soient.
Vouloir comparer Raducanu à Graff c’est oublier que le tennis a profondément changé ces 30 dernières années. L’argent en jeu n’est plus le même, la façon de jouer non plus, les entraînements, la manière de communiquer, le matériel, etc. Et c’est pareil pour tous les sports diffusés largement sur les écrans. Et il en sera de même dans 20 ou 30 ans, tout aura de nouveau changé (l’UTS vaincra !).
En fonction des critères retenus, on trouvera toujours plus précoce, plus performant, plus talentueux. Personne n'est jamais d'accord sur tout et c'est ce qui fait la beauté du débat sur ce site. S’il vous plaît, gardez une dose de mauvaise foi car c'est parfois un défaut utile mais évitez de comparer pour le plaisir de comparer.
Idée son : Le vent nous portera – Noir Désir