Il est donc temps de vous parler de ce grand moment que j'ai vécu il y a deux petites semaines.
Quelques petits liens vers les autres récits :)
Objectif Marathon 2019 #1
Objectif Marathon 2019 #2
Objectif Marathon 2019 #3
Je vous ai donc laissé sur le semi marathon en 2h06. Record perso, hyper content à ce moment là.
J'ai pris ensuite des vacances à vélo pour me remettre du petit problème au genou. Donc pas beaucoup de course la semaine suivante, j'ai attendu environ 10 jours pour m'y remettre. Puis j'ai beaucoup refléchi à comment m'entrainer sur les 4 dernières semaines. J'ai mis une grosse séance longue de 26 km. Un record à l'entrainement, en 2h50, sans manger mais beaucoup bu d'eau ^^.
Dernière semaine : je me préserve et fait un petit 6 km le mardi et un tennis avant le vendredi avant le voyage.
J-1 : Samedi matin
Ma copine et moi, on part en voiture, la route Paris--> Mont Saint Michel est assez longue. Et on arrive sur place, ou on rejoint mon beau frère, sa femme et ses deux enfants à notre location pour le week-end. Petite balade dans l'après-midi pour repérer le 24ème km du parcours qui a déjà été balisé. Ma copine, ma belle soeur et ses deux enfants seront là le lendemain pour nous soutenir. J'ai lu ailleurs que c'était assez fréquent de placer des membres de la famille à des km précis pour le moral c'est très bon.
Le soir après avoir mangé des bonnes pattes et une salade de ma composition perso :), j'essaie de me coucher tôt : 22h45.
Dimanche : the D day!
Reveil programmé à 5h, mais je me reveille plus tôt. Le stress, de l'enjeu était palpable la veille pour moi. Je me posais déjà beaucoup de questions sur ce que ça allait donner le lendemain. Sur l'objectif à suivre, 4h40? moins de 5h? Terminer la course?
Petit déjeuner calmement, tout le monde dort... Je fais mon sac, en sachant qu'on a une consigne pour les sacs à dos et que l'attente risque d'être longue dans le froid et le petit brouillard breton : pull, bouteille d'eau, gels energisants, go-pro (je voulais filmer des morceaux de marathon, j'avais beaucoup vu de trucs sur youtube la semaine passée qui me paraissaient intéressants) et téléphone.
Un petit tour en voiture, on arrive sur un parking gratuit ou il reste un peu de place vers 5h40 (le parking du mont saint michel coute 14 euros, tarif à la journée ya pas de tarif à l'heure, avis aux amateurs :p)
De la on prend une navette ou on croise d'autres marathoniens, venus des 4 coins de la France mais aussi des anglais. La navette fait la route inverse de l'arrivée au départ pendant presque une heure, plus le temps passe, plus je me dis que j'ai déconné en m'inscrivant, et ca casse un peu le moral, dans un bus assez silencieux où les gens finissaient leur nuit, malgré quelque pitres au fond du bus, classique :)
On finit par arriver à Cancale. La il est 7h, le départ est prévu pour 8h30. Donc on se pose avec mon beau frère sur le port ou on admire d'un côté la baie à marée basse et de l'autre redoute la ligne de départ avec les installations en cours.
https://image.noelshack.com/fichiers/2019/24/4/1560432104-20190526-070809.jpg
Vue sur la baie du mont saint michel
https://image.noelshack.com/fichiers/2019/24/4/1560432102-20190526-071019.jpg
Les préparatifs sur la ligne de départ
8h arrive, on se change, je range mes affaires dans mon sac, garde uniquement un t-shirt, un short moulant avec lesquels j'ai l'habitude de courir et dans lesquels je me sens bien, je fixe le dossard dessus avec les petites épingles, et un bandana rouge, le petit côté tennis :) laisse la go pro dans le sac, le telephone, mais je me séparre pas de la montre qui va surveiller le rythme et me donner une analyse km par km de la vitesse.
Les choses s'enchainent naturellement, petite pluie qui nous met à l'abris à côté des sacs de consignes. Sur le dos je n'ai plus qu'un leger sac en tissu avec les gels energisants, à consommer toute les 1h30.
8h25 : Le stress commence à être pas mal, ya énormément de monde, entre 3000 et 5000 personnes à vu de nez qui se rangent dans différents SAS : Elite, 3h, 3h30, 3h45,4h, 4h15 et 4h30 et +. Mon beau frère est au SAS 3h, moi je vais me ranger avec les derniers 4h30 et +. Musique bretonne ultra-épique, j'essaie de ranger mes émotions de côté, mais c'est pas simple, faut rester concentré et en même temps le speaker nous appelle déjà comme les "marathoniens", appelation qui ne me convient pas encore, je l'ai pas fait ce marathon xD
8h30 : premiers départs, les autres arriveront successivement par vague de 5 minutes, ce qui fait que je commence à 8h50. Je n'ai pas trop d'interractions avec les gens au départ, je suis dans ma bulle, qui cherche le maximum de concentration et définir la dernière décision de stratégie après l'échauffement fait sur les coups de 8h15, je me sens bien mais pas au top non plus. Sous-entraîné volontairement pour garder du jus pour le jour J, je me dis que je vais partir à 9km/h, soit 6min40 par km, en dessous de mes standards du semi-marathon plutôt à 6min/km, soit 10 km/h. L'allure est censé perdre 10% en passant d'un semi à un marathon. Voili voilou.
Km 0-5
Je démarre donc dans les derniers, et me calle sur ce rythme assez lent, au départ on a une petite côte. Puis le parcours est plus roulant, donc pas trop de variation de vitesse à venir à priori...
Au départ les gens sont chouettes, le parcours va relier plusieurs villes de bord de mer, avant de s'enfoncer dans les terres vers 25 km pour finir au mont au 42ème. Donc la première partie est très sympa, beaucoup de locaux venus nous soutenir sur le bord de la route.
Allure un peu trop soutenue le 5ème km étant la déscente correspondant à la montée du 1er km. Je vois que je passe sous les 6min/km dans la descente, mais je réduis l'allure après un premier ravitaillement classique : eau, raisin secs, quartier d'orange.
Km 5-10
Rien à signaler, l'allure toujours un peu trop rapide.
J'accélère progressivement km par km en essayant de rester le plus constant possible.
Ravitaillement du 10, le même rituel que j'essaierai de suivre à la suite avant de reprendre tranquillement.
Je commence réellement à apprécier la course en cours, on longe la mer, des petits groupes de musiques sont présents, une fanfare, des musiciens seuls et toujours les locaux.
Km 10-21,095
Rythme très propre, mais frustrant parce que je termine la première moitiée de course à 2h20, et l'ambiance est assez calme. C'est le moment pour lâcher un gros "Let's gooooooooooo!" digne du grand Alexander Zverev :)
Jusqu'ici dans ma tête les objectifs sont intermediaires, je pense uniquement à rejoindre le ravitaillement suivant qui sont tout les 5 kms. Je mange le premier gel au bout d'une heure 45, je suis alors autour du 15ème km et je reconnais qu'il boost bien au moins quelques dizaines de minutes.
Km 21,0195- 25km
Je passe le 22ème km avec une camionette ou il est très clairement écrit "croix rouge, abandon", je fais un signe de la main que c'est non. J'ai trop pensé à gagner le marathon, et à l'objectif et toute la préparation pour abandoner un chemin. Quitte à finir en rampant, je le ferai.
Ca fait presque 3h, alors je prends le deuxième gel, on est au km 23. J'arrive au km 24, et je cherche ma famille des yeux, je les vois pas. Premier coup au moral, je me dis que mon beau-frère est peut être déjà arrivé et qu'il a du prévenir qu'il les chercherait pour que tout le monde soit sur la ligne d'arrivée. Bon temps pis, on va s'acclamer autrement.
Au passage un peu avant le km 25, une douleur survient à la jambe gauche, mais vraiment lourde, j'ai l'impression que ma cuisse gauche est en bois. Il faut savoir que depuis le semi-marathon, je court avec une genouillère au genou droit, qui m'a fait mal deux fois (au semi, puis sur la course d'entrainement de 26km). J'avais donc anticipé que je devrais bouger ma genouillère de droite à gauche. Ca me prend un peu moins d'une minute pour le faire, mais c'est le premier arrêt conséquent sur ma course.
Ravitaillement du 25 ème, je reprends petit à petit à faible vitesse de façon volontaire pour pas mettre mes genoux à rude épreuve tout de suite.
Km 25-30
Je reviens à mes pensées familiales. Ou sont-ils? J'ai de la difficulté à retrouver du rythme ce qui fait qu'après le ravitaillement je marche un tout petit peu mais pas suffisamment longtemps pour que ça ruine mon allure de course derrière, c'est pour moi le changement de genouillère qui sera responsable de la perte d'allure.
26ème km, je suis reparti et je me dis qu'il faut se satisfaire, parce qu'à partir de ce moment là c'est que du bonus, je découvre ce que je n'ai jamais fait au delà de 26 km. Je suis alors dans un petit peloton de 6, 7 personnes avec 2 filles devant. L'une encourage l'autre "Tu vas y arriver", je reprends en parlant à un niveau de voix beaucoup plus fort "On va tous y arriver, ensemble!"
Ca faisait un peu phrases de coach de rugby d'un seul coup, ça venait vraiment des trippes là ^^
Km 27, un groupe de musique sur le côté, et tiens les voilà tous, ma copine, sa soeur et ses deux enfants, des petits encouragements, et je repars en avant.
Je tiens à préciser qu'en parallèle du marathon, un duo marathon avait lieu. Le principe est un relai de 2 coureurs pour ralier les 42 km, chacun faisant un semi marathon. Au dela du 21ème km, ces coureurs étaient très clairement démarquables des autres, car complètement frais, ils avaient un rythme bien plus chevronné. Mais au bout de 28 km pour moi, donc 7 pour eux, on avait tendance à se confondre. La seule différence était en tout petit sur le dossard, donc imposssible de savoir qui on suivait dans un peloton ou tout seul.
Un peu difficile de trouver un rythme régulier, la fatigue commençant à être de plus en plus flagrante autour du 29ème km, ou je marche une petite partie, peut-être 300-400 metres avant.
A ce moment là les objectifs de 5 kms, devenaient des objectifs encore plus petits: on reste en vie jusqu'au km suivant, et ainsi de suite...
Km 30-35
Plus du tout dans un rythme de course, j'alterne de plus en plus la marche à la course, pour être sur un rythme de 8min20/km. Le ravitaillement du 30ème ne m'aide pas à repartir vite. J'ai le souvenir d'avoir couru une partie avec un des duo-marathonien qui était encourageant, avant de le laisser partir. Mentalement c'est très difficile, je suis habitué à garder toujours un peu d'énergie pour finir bien et dépasser du monde sur les fins de courses, mais là c'est plutôt l'inverse qui se produit. J'ai doublé enormément sur les 10 premiers, et là c'est le retour de bâton.
Les douleurs s'intensifient et on aperçoit un peu plus le Mont Saint Michel autour du 34ème km. Mais encore une fois, je n'arrive pas à courir des km complet. Je cours 500 à 800 mètres avant d'en marcher 300-500.
Mentalement je ne suis plus du tout heureux. On me signale "On va pouvoir commencer à compter à l'envers". Je ne fais que ça depuis le début... "Plus que 8 km!" scande quelqu'un comme si cela était simple. Je sais que je vais finir, mais comment? Les jambes sont lourdes, je ne sens aucun problème de souffle. Souvent j'ai un petit point de côté au début de course, là je les ai eu un peu plus tard que la normale vu que je courrais moins vite, un au 7ème km, un au 11ème. Dans ces moments là, on essaie de faire le point sur ce qui va et ce qui ne va pas. Trouver de bonnes raisons d'avancer, d'essayer de parer la douleur par l'idée que si je suis là c'est parce que j'en ai envie, et qu'à vaincre sans péril on triomphe sans gloire. Un troisième gel autour du 33ème km.
Km 35-40
Un passage à vide encore dingue au 35ème km, je ne fais quasiment que marcher. Mon rythme atteint alors 9min35 au km, je refais les mêmes choses qu'avant, bouteille d'eau 50cL, raisins secs ou morceau de banane, quart d'orange et sur la fin l'organisation a commencé à rajouter des biscuits salés. J'en ai un peu abusé au 30 ème, j'en prends un peu moins au 35ème. Mais je sens que mon visage fait tristement la gueule au 35ème, sur les encouragements des bénévoles, c'est aussi quelque chose que je ressens. Mes émotions sont justes pénibles, j'ai beau essayer de trouver la positivité en moi, systématiquement les douleurs me rattrapent. Vient alors un sentiment de haine...
C'est ce sentiment là qui me libère un peu avant le 36eme km. J'avais lu quelque part qu'il etait dangereux de faire appel à ce sentiment qui doit arriver sur la fin. On en est pas loin mais à mon rythme, je suis incapable de prédire si j'arrive dans 50min ou 1h30. J'ai le sentiment que cette haine arrive trop tôt, mais elle me permet de repartir de l'avant et de courir 2,6 km sans aucun arrêt.
Le Km 37 marque un dernier virage qui nous éloigne de la ligne droite menant au mont, sur les bords de route il n'y a vraiment plus personne à part les bénévoles aux ravitaillements. Je reviens sur cette haine, elle me fait remonter le temps et penser aux raisons profondes de l'envie de courir. Celles qui m'ont gâché une partie de mon adolescence, celles qui m'ont permis de me lancer ce genre de défi de façon inconsciente. Je me souviens brievement de chaque gène plus ou moins récente dans ma vie et j'avance du feu de dieu dans ma tête alors qu'en réalité j'ai un rythme qui oscille entre 7 et 8min/km. Je lance un "On va l'exploser ce mont" à un petit groupe de personnes qui sont alors tout sourire, même après 35km...
Le 39ème km, cette haine est définitivement partie, je retrouve un peu le sourire en redepassant des gens qui marchent, le mont se dresse à 3 kms de là. Je me calme, et je me remet à marcher à l'approche du 40ème km, ou je prends bien le temps de m'hydrater encore une fois, de manger un peu et d'avancer à grandes enjambées, je mange aussi la moitié d'un gel. Un dernier pont nous sépare de la dernière ligne droite.
Km 40-42,195
Passé ce pont une ligne droite se dresse devant moi, le mont n'est plus très loin, mais ca semble interminable. Je souris au photographe à cet endroit, et poursuit ma route. Celle ci est jonchée de finishers et de familles venues les soutenir, vraiment beaucoup beaucoup de monde. J'exagère peut être un peu mais ça faisait facilement 15 km que je voyais plus grand monde et là d'un seul coup beaucoup d'encouragements :) Avec ma vitesse lente, les gens ont le temps de lire mon prénom sur le dossart "Allez Nicolas!", "Bientôt fini!" "Le dernier effort!", "On y est presque!"
La je suis bien évidemment en train de courir, l'ambiance me soulève et je repasse enfin sous les 8min au km. Mais je ne fais plus du tout attention à ma montre, je suis complètement en train de me dépasser, je dépasse d'ailleurs quelques marcheurs.
L'arrivée est invisible et c'est difficilement soutenable, il n'y a que les voix des gens qui me touchent et me font avancer de plus en plus vite.
Km 42, l'arrivée est 200 mètres plus loin, je la vois enfin, je cherche à sprinter. 200 mètres c'est 20 secondes pour Ussain Bolt, pour moi c'était peut être 1min30, mais ça paraît encore comme très long. Je sens que je profite bien de la foule, que je vais le faire, je ne pense à rien d'autre qu'à cette ligne qui se rapproche de plus en plus.
Je finis en levant les bras au ciel, fait ma celebration et lache un hurlement sans mots, juste un gros hurlement de soulagement. Je m'arrête et les émotions montent en moi, ça fait 7 ans que j'ai débuté la course à pieds, et que l'idée est là quelque part dans le coin de ma tête. Et ça y est c'est fait, je savoure l'instant. Mais je me sens détaché du monde qui m'entoure. Quelques larmes coulent, je met les mains sur la tête et avance lentement vers le stand des médailles. On me la passe autour du cou, je remercie les bénévoles, puis idem pour le stand des t-shirt et celui des sacs à dos. Des goodies à la hauteur des frais d'inscription :)
Je trouve un dernier ravitaillement, ou je prends presque rien à manger mais beaucoup d'eau et une bouteille energisante. J'arrête le chrono un peu après, sans trop faire attention au temps. J'ai dépassé les 5h, donc j'ai déjà une première source d'insatisfaction malgré tout le positif qui vient d'exploser en moi. Je récupère mon sac, j'ai reçu un SMS avec le temps exact : 5h14.
C'est comme ça, je sais que je relativise un peu trop vite le résultat, mais il faut quand même se souvenir qu'avant ce jour je n'étais même pas sur de finir. J'ai vu une équipe de secouriste s'occuper de quelqu'un au sol, c'est assez rare et ca peut dégouter un instant. Mais le plus important c'est de faire tout ça en gardant le contrôle de soi. Je pense que si j'ai marché autant, c'est parce que j'étais legerement moins préparé que ce qu'il aurait fallut. C'est une piste d'amélioration pour un eventuel prochain marathon, qui sait?
https://image.noelshack.com/fichiers/2019/24/4/1560443713-20190526-141908.jpg
C'est l'instant selfie!
Voilà pour ce récit, j'espère que vous l'avez apprécié. N'hésitez pas à me laisser un commentaire, et à dire ce que vous en pensez.
C'est la fin d'une petite série que j'ai commencé en janvier en même temps que mon entraînement.
Au final je suis assez satisfait de ce que j'ai fait même si j'aurais aimé avoir moins de difficultés à finir en courant.
Avec plus d'entraînement je me dis que la prochaine fois je l'aborderai autrement. Je sais pas encore si je vais le refaire, mais l'ambiance était tellement chouette et surtout les émotions qui se dégagent.
A bientôt, :)
FK
Félicitations, ça me donne envie d'en faire un un jour mais il me faudrait un binôme (pour me motiver) ^^
Je pars quant à moi pour une retraite vipassana. Chacun poursuit ses quêtes et ses expériences, j’espère être aussi digne et fort que toi.
Au plaisir de lire tes mots qui transpirent l’authenticité, la passion, et parfois la sagesse. ;)
Juste la prochaine fois augmente un peu ton temps de sommeil la veille d'une course voir trouve un bon rythme de sommeil une semaine avant une course de ce genre parce que se coucher à 22h45 pour se réveiller à 4h40 et enchaîner un marathon c'est irréel.
Bravo en tout cas !