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Le tennis racheté par l'Arabie saoudite ? Comment Riyad s'impose à coups de millions sur l'échiquier mondial

Tournois fastueux, primes record, partenariats stratégiques : l’Arabie saoudite s’impose à vitesse grand V dans le monde du tennis.
Le tennis racheté par l'Arabie saoudite ? Comment Riyad s'impose à coups de millions sur l'échiquier mondial
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Jules Hypolite
le 29/11/2025 à 17h00
9 min de lecture

Le royaume saoudien accélère son offensive dans le monde du tennis. Tournoi d’exhibition fastueux, partenariats avec l’ATP et la WTA et création d’un Masters 1000 à Riyad : la stratégie du soft power sportif se déploie à grande vitesse.

Entre opportunité économique et controverse éthique, le tennis devient le nouveau terrain d’influence du Golfe.

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LE SPORT, NOUVELLE ARME DU ROYAUME SAOUDIEN

Ce n’était qu’une question de temps avant que l’Arabie saoudite, déjà omniprésente dans de nombreuses disciplines internationales, n’étende son influence au tennis et soit désormais un acteur majeur du calendrier, accueillant les WTA Finals, les Next Gen Finals et un Masters 1000 à partir de 2028.

Pour comprendre cette nouvelle offensive, il faut regarder du côté des autres sports. Après avoir transformé son championnat de football en vitrine mondiale, en attirant une superstar comme Cristiano Ronaldo à Al-Nasser, le royaume saoudien s’est également offert des clubs de football, comme celui de Newcastle United (Angleterre) ou l'organisation d’un Grand Prix de Formule 1 dans la ville de Djeddah (depuis 2021).

Ces initiatives traduisent une stratégie méthodique : faire du sport un pilier du soft power saoudien. Le même modèle s’est déjà imposé dans le golf, où le LIV Golf, soutenu par le fonds souverain, concurrence le PGA Tour à coups de primes colossales, entre 30 et 100 millions de dollars par participant.

En 2019, Medvedev empoche un million de dollars en plein mois de décembre

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AFP

Pour le tennis, les prémices remontent à 2019, avec la création de la Diriyah Tennis Cup. Cette première exhibition sur le territoire saoudien, organisée en plein mois de décembre, offrait déjà un million de dollars au vainqueur. Le Russe Daniil Medvedev s’était alors imposé dans une relative indifférence médiatique.

Un événement bien loin de laisser imaginer que quelques années plus tard, une autre compétition au format similaire, dénommée Six Kings Slam, permettrait au lauréat d’empocher une somme six fois plus importante et de jouer un rôle clé au sein d'une politique d'investissement bien plus vaste.

Car ces investissements, toutes disciplines confondues (football, tennis, golf, sports automobiles), s’inscrivent dans le cadre du programme Vision 2030, un vaste plan de transformation économique lancé par le prince héritier Mohammed ben Salmane.

Son objectif : réduire la dépendance du pays aux revenus pétroliers, qui représentent encore près de 40 % du produit intérieur brut (PIB). En multipliant ces initiatives, l’Arabie saoudite cherche à transformer son image internationale et à s’imposer comme un acteur central du marché sportif mondial.

LE SIX KINGS SLAM, L'ARME SAOUDIENNE POUR LE TENNIS MASCULIN

En 2024, une nouvelle exhibition voit le jour sous l’impulsion de l’Autorité générale pour le divertissement (GEA), instance créée en 2016 et dirigée par Turki Al-Sheikh, proche de Mohammed ben Salmane.

Baptisée Six Kings Slam, la compétition ambitionne de réunir six vainqueurs de tournois du Grand Chelem au sein d’un format resserré, disputé sur trois jours, sans le moindre point ATP à la clé, mais avec des récompenses financières inédites.

Le concept est simple : six matchs (deux quarts de finale, deux demi-finales, une petite finale et une finale) pour un spectacle condensé et hautement lucratif. Le vainqueur empoche un chèque colossal de six millions de dollars, tandis que chaque participant est assuré de repartir avec 1,5 million de dollars.

À titre de comparaison, les vainqueurs de l’US Open 2025 ont reçu 5 millions, après avoir remporté sept matchs. À Riyad, Alexander Zverev, lui, a touché 1,5 million pour 55 minutes passées sur le court.

« Nous savons tous ce qu’il y a en jeu » : Sinner, double vainqueur du Six Kings Slam

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AFP

Sans surprise, l’argent règne et convainc. Novak Djokovic, Carlos Alcaraz et Jannik Sinner participent aux deux premières éditions.

Et Sinner l’assume : l’argent est un facteur de motivation. « Je mentirais si je disais qu’il n’y avait pas de motivation liée à l’argent. Nous savons tous ce qu’il y a en jeu. Mais nous voulons aussi rendre le sport plus populaire ici. », reconnaissait l’Italien face à la presse.

Des propos en phase avec les objectifs de l’Arabie saoudite : attirer des acteurs du sport mondial grâce à des montants conséquents, tout en proposant un terrain de jeu au niveau de leurs attentes.

En revanche, l’appellation « Six Kings » perd de sa cohérence dès 2025, puisque seuls trois des participants ont effectivement remporté un Grand Chelem. Mais qu’importe, puisque l’épreuve gagne encore en visibilité : la plateforme Netflix a décroché les droits TV de l’exhibition, permettant une diffusion beaucoup plus globale de l’évènement et le transformant en véritable produit de consommation.

À travers cette exhibition aussi lucrative qu’extravagante, l’Arabie saoudite a posé les bases de son offensive dans le tennis.

Une vitrine médiatique qui ouvre la voie à une stratégie plus profonde, portée cette fois par le PIF (Fonds d’investissement public saoudien). Car c’est grâce au PIF que Riyad tisse des liens solides avec l’ATP et la WTA, s’imposant peu à peu comme un acteur incontournable des circuits professionnels.

VERS UNE INTÉGRATION MAJEURE AU SEIN DES CIRCUITS ATP ET WTA ?

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AFP

Si vous suivez attentivement la saison tennistique, vous avez sans doute aperçu au moins une fois le logo du PIF sur les courts de différents tournois. Derrière ce mystérieux acronyme se cache le Fonds d’investissement public saoudien, créé en 1971 et dont le rôle est d’investir au nom de l’Arabie saoudite dans divers projets.

Mais cela fait un peu plus de dix ans que ce dernier a eu l’autorisation d’élargir son portefeuille. Sans hésiter, le PIF a bondi sur l’ATP et la WTA, afin de se faire une place dans le monde du tennis.

L’offensive saoudienne s’est concrétisée en 2024 : le PIF est devenu partenaire des classements ATP et WTA, désormais renommés « PIF ATP Rankings » et « PIF WTA Rankings ». Ce contrat inclut également la présence du fonds comme sponsor sur plusieurs tournois majeurs : Indian Wells, Miami, Madrid et Pékin.

Les négociations avec l’ATP ne se sont pas arrêtées là : l’instance du circuit masculin a confirmé l’organisation d’un Masters 1000 en Arabie saoudite dès 2028.

« L’Arabie saoudite a démontré son engagement dans le monde du tennis, non seulement sur le plan professionnel, mais en termes de développement à tous les niveaux. », a déclaré Andrea Gaudenzi, président de l’ATP, au moment de l’officialisation de ce dixième Masters 1000.

Un programme d’accompagnement pour les joueuses souhaitant devenir mères

Côté WTA, le Masters féminin, compétition réunissant les meilleures joueuses de la saison, est désormais organisé à Riyad, et ce jusqu’en 2026. Et au mois de juin, le PIF a annoncé la mise en place d’un programme d’accompagnement pour les joueuses souhaitant fonder une famille, incluant un congé maternité rémunéré de 12 mois, un classement protégé lors du retour à la compétition, et une aide logistique aux programmes de fertilité.

Une initiative ambitieuse, mais paradoxale : ces avancées en faveur du tennis féminin se déroulent dans un pays où les droits des femmes restent fortement encadrés.

Si les Saoudiennes ont désormais le droit d’obtenir un passeport et de voyager sans l’autorisation d’un tuteur masculin à partir de 21 ans, le système de tutelle n’a pas été totalement aboli. L’ONG Amnesty International rappelle que les femmes doivent encore, dans certains cas, obtenir l’accord d’un homme pour se marier, divorcer ou accéder à certains soins de santé.

Malgré la levée de l’interdiction de conduire (en 2018) ou des progrès dans le monde du travail - 36% des Saoudiennes étaient présentes sur le marché du travail en 2024 selon le World Economic Forum (WEF) - de nombreuses réformes restent symboliques, tant le rôle du tuteur continue d’exercer une influence sur la vie juridique et sociale des femmes.

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Certaines joueuses se montrent pourtant enthousiastes. Coco Gauff, après son triomphe aux WTA Finals l’an passé, confiait : « J’ai passé un excellent séjour, ça a été plus amusant que je ne l’imaginais. Je suis très honorée d’avoir gagné le premier tournoi de tennis féminin en Arabie saoudite. »

D’autres, comme Taylor Townsend, vont plus loin : « J’espère que les gens cesseront de croire que les femmes sont maltraitées là-bas. C’est juste une autre façon de vivre, ni pire ni mauvaise, juste différente. »

Pour ces deux instances dirigeantes du tennis (ATP et WTA), les ressources proposées par le PIF sont séduisantes et permettent de garantir une stabilité inédite. Sur le circuit, le débat fait rage entre partisans, séduits par ce nouvel acteur, et sceptiques.

ENTRE SÉDUCTION ET MÉFIANCE : LE TENNIS À LA CROISÉE DES CHEMINS

La présence de l’Arabie saoudite dans le monde du tennis et du sport en général ne laisse personne indifférent. Les avis se divisent, entre partisans assumés et sceptiques inquiets de l’influence saoudienne.

Rafael Nadal, véritable légende du jeu, a ouvert la voie en devenant ambassadeur de la Fédération de tennis saoudienne (STF) en janvier 2024.

« Partout où vous regardez en Arabie saoudite, vous voyez la croissance et le progrès et je suis heureux d'en faire partie », avait d’abord déclaré le recordman de titres à Roland-Garros, avant d’enchaîner : « Je veux aider (le tennis) à se développer dans le monde entier et il y a un vrai potentiel en Arabie saoudite ».

Cet engagement à « long terme » se traduit principalement par la création d’une académie à son nom sur le territoire saoudien, où l’Espagnol s’est engagé à se rendre plusieurs fois par an.

D’autres noms bien connus du circuit sont quant à eux devenus ambassadeurs pour le PIF : Matteo Berrettini, Paula Badosa et Arthur Fils ont rejoint ce projet au cours des douze derniers mois, afin de contribuer au développement du tennis sur un plan plus global.

« Nous partageons les mêmes valeurs, à savoir faire progresser le tennis et créer des opportunités pour tous », affirmait Badosa dans son communiqué, tandis que Fils, visage du tennis français, évoquait sa « fierté de rejoindre la famille du PIF et de représenter les prochaines générations. »

“C’est évidemment un pays controversé. J’ai choisi de ne pas y aller pour l’instant”, Casper Ruud, 12e mondial

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Des discours policés qui contrastent avec les propos d’Andy Murray. L’ancien n°1 mondial avait taclé l’année dernière le Six Kings Slam et sa vidéo de promotion : « Ce n’est pas un film que tu regarderas, c’est une exhibition de tennis dont tout le monde se fout. »

Une position claire de la part du Britannique, qui a toujours refusé de jouer en Arabie saoudite. Casper Ruud avait lui aussi confié son malaise : « C’est évidemment un pays controversé. J’ai choisi de ne pas y aller pour l’instant, mais cela semble inévitable qu’ils deviennent importants dans le tennis. »

Mais la grande majorité du circuit, à l’image d’Alexander Zverev, préfère adopter une position plus neutre : « Je ne suis pas politicien. S’il y a un Masters 1000 en Arabie saoudite, j’y participerai. », avant de comparer aux autres épreuves se jouant dans les pays du Golfe : « Des tournois se jouent à Doha ou Dubaï depuis 30 ans, je ne pense pas qu’il y ait eu des problèmes. »

Des opinions qui montrent à quel point la présence de l’Arabie saoudite fracture le monde du tennis, entre convictions de certains et opportunités financières pour d’autres. Pour l’instant, rien ne semble devoir arrêter la progression du royaume, qui accroît chaque année son influence sur l’ATP et la WTA.

DES MILLIONS SUR LE COURT, DES QUESTIONS EN DEHORS : LE PARI SAOUDIEN DU TENNIS

L’Arabie saoudite n’a pas fini d’étendre son influence sur le tennis mondial. Entre ambitions économiques et stratégies d’investissement diverses, le royaume s’impose comme un acteur incontournable du sport global.

Dans un monde où le sport est utilisé comme un instrument de puissance diplomatique, le tennis entre à son tour dans cette dimension. L’avenir nous dira si cette stratégie d’investissements massifs laissera une empreinte durable sur le tennis ou ne sera qu’une simple parenthèse.

Dernière modification le 03/12/2025 à 18h28
Madrid
ESP Madrid
Tableau
Next Gen ATP Finals
ITA Next Gen ATP Finals
Tableau
Six Kings Slam
KSA Six Kings Slam
Tableau
Jannik Sinner
2e, 11500 points
Cori Gauff
3e, 6763 points
Taylor Townsend
117e, 652 points
Casper Ruud
12e, 2835 points
Rafael Nadal
Non classé
Arthur Fils
40e, 1260 points
Paula Badosa
25e, 1676 points
Matteo Berrettini
56e, 945 points
Alexander Zverev
3e, 5160 points
Andrea Gaudenzi
Non classé
Daniil Medvedev
13e, 2760 points
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